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SON & TECHNIQUE


DES DISQUES DE GRANDE QUALITÉ SONORE

Au milieu des années 80, petit à petit, l'enregistrement numérique prend sa place dans les studios d'enregistrement. L'avenir de l'analogique est morose. L'enregistrement des disques s'informatise au point qu'il ne sera plus question que de traitement sonore et d'effets en cascade. La sélection des disques présentés ci-dessous part de ce constat.

Cette page est la suite de : Des disques historiques au top de la technique.


DES DISQUES SÉLECTIONNÉS POUR LEUR QUALITÉ SONORE


1981 – Quincy Jones : The Dude

Sa carrière a commencé au cœur des années 50 comme trompettiste avant de devenir rapidement un chef d’orchestre et arrangeur de premier plan. Existe-t-il un style Quincy Jones ? Difficile à dire, tellement l’artiste a œuvré dans le jazz, mais aussi dans la musique dite « légère ». Le producteur de Michael Jackson a gratifié sa carrière personnelle de quelques pépites dont The Dude en 1981. Fidèle à ce qui s’apparente à un 'Who's Who' des musiciens de studio de la Côte Est, Quincy a réuni tout ce beau monde pour servir des compositions et arrangements dont il a le secret. Le son est là, puissant et dévastateur. Quincy nous invite à un grand spectacle sonore où se succèdent des pointures triées sur le volet. C’est dans ces moments-là que l’on se dit que la technique de l’enregistrement multipistes rend tout de même de grands services en jouant le jeu des plus grands.

1981 – Japan : Tin Drum

L’album Tin Drum est un superbe exemple de production synthétique, d'arrangement et de programmation de synthétiseurs analogiques. Le Prophet-5 y est omniprésent, mélangé à quelques sons acoustiques. Le mixage impeccablement latéralisé est remarquable par son absence de réverbération et de délai « perceptibles ». En fait, en écoutant attentivement au casque, on perçoit un paysage sonore d'une incroyable sophistication.

1982 – Roxy Music : Avalon

Considéré par certains comme l’un des plus beaux albums des années 80, Avalon est un album très sophistiqué, surtout dans sa mise en forme. C’est le début des premières boîtes à rythme programmables (ici une Linn Drum), de l’arrivée triomphale des synthétiseurs et de la guitare cot-cot. Quant au saxophone, c’est toujours lui qui lance le solo diabolique. Reste que les 24 pistes qui trônent désormais dans la plupart des studios professionnels commencent à se sentir à l’étroit. Bob Clearmountain, l’ingénieur du son a dû fournir au mixage un travail exemplaire pour que tout semble évident, ce qui bien sûr est loin d’être le cas ! En 2003, l'album est ressorti en version 5.1 sur SACD.

1982 – Michael Jackson : Thriller

Si ce disque figure dans la sélection, ce n’est pas seulement parce qu’il est l’un des chefs-d’œuvre de la musique du 20e siècle, mais aussi parce qu’il détient une qualité dynamique et une musicalité exceptionnelle ; une des meilleures sonorités de l’histoire de la pop signée Michael Jackson, Quincy Jones et Bruce Swedien.

1983 – Police : Synchonicity

Au fil des albums, le style Police porteur d’un reggae-rock percutant, brut et mélodieux, a laissé place à une sophistication beaucoup plus technique. Pourtant, à l’écoute du titre phare de l’album, Every Breath You Take tout parais simple, comme évident. Une leçon de modestie ? Pas vraiment, car sa réalisation a demandé beaucoup de temps et de sueurs. Every Breath You Take a eu de nombreuses variantes avant de trouver sa version définitive. Faire simple et efficace demande parfois du temps ! L’histoire raconte d'ailleurs qu’il a fallu des dizaines de pistes de guitares prémixées, que Sting a mis trois jours à enregistrer la voix, et que les accords de piano, pourtant élémentaires, n’ont pas été évidents à trouver. Côté rythmique, c’est plutôt le grand mélange qui a opéré. Stewart Copeland a usé d’ingéniosité pour que le rythme simple ne sonne pas ordinaire : utilisation d’un gong doublé avec la caisse claire, boîte à rythmes Oberheim superposée à la grosse caisse, etc.). Les studios d’enregistrement servent encore et toujours de laboratoire.

1984 – Serge Gainsbourg : Love on the Beat

Dernière phase stylistique de Gainsbourg : le funk. Comme souvent chez lui, il existe des formes d’ambivalence ou de controverse. D’un côté un contenu hautement sexuel et de l’autre des jeux de mots, dont ce ‘beat’ frappé avec insistance par les chœurs masculins. Bref, c’est du Gainsbourg ! Musicalement, Love On The Beat est une réussite. L’artiste s’en sort bien mieux qu’avec son Rock Around The Bunker (1975). C’est Billy Rush, qui fait alors partie de l'entourage de David Bowie, qui se charge de la réalisation de son avant-dernier album. Le son compact est marqué par la mise en avant de la Linn Drum, sur laquelle viennent claquer des sons secs de guitares électriques, une basse très compressée et des contre-chants de synthés et de voix. Le résultat de l’ensemble donne un son typé années 80.

1986 – Peter Gabriel : So

Cet album figure dans pratiquement tous les Top 10 des meilleurs mixages, quelle que soit la référence que vous choisissez. Il n’est point nécessaire de souligner la dimension artistique de l’artiste Peter Gabriel, car côté ambiance, style et son, la chanson Sledgehammer reste une référence près de vingt ans après pour l'inventivité de son mixage et son groove irrésistible, fruit d'un arrangement et d'un mixage impeccables.

1987 – Claude Nougaro : Nougayork

En 1987, le claviériste français Philippe Saisse exilé à New York pour faire carrière, croisa sur sa route Claude Nougaro. Grâce à l’album Nougayork, le chanteur réalise autant un tour de passe-passe qu'un retour fracassant sur le devant de la scène après un long passage à vide. Dans cet album, tout y est ! C’est une superproduction qui rassemble, outre un tout nouveau Nougaro, un son américain digne d’éloge : compact et puissant. L’album fera date, même si l’on ressent sur certains titres une overdose de machines électroniques. Toutefois, quand ça plait, ça plait ! D’autant plus que cette cuisine de studio est en vogue depuis l’apparition du numérique. Tout est une question de programmation. Vous avez dit feeling ?

1991 – Kraftmerk : The Mix

« La pureté des motifs rythmiques et des thèmes mélodiques évoquent parfaitement la froideur de notre civilisation matérialiste », telle pourrait être le slogan du groupe allemand de Dûsseldorf. Fondé par Raïf Hùtter et Florian Schneider, Kraftwerk comprend alors des instruments rocks (guitare, basse, batterie) aux côtés des synthétiseurs. En 1974, le quatrième album Autobahn et le single du même nom rencontrent le succès. Dès lors, le groupe affine sa science électronique avec une présence plus forte des machines et des voix passées au vocoder. The Mix passe l’ensemble de leurs tubes à la moulinette des dernières technologies. Toutefois, le principal est là avec ses rythmiques lourdes, ses basses et sa grosse caisse très présente. À l’avant-garde d’une musique électro parfois indigeste, Kraftwerk mélange malgré tout ces différents ingrédients sans aucun problème, preuve que la musique « robotique » ne rime pas forcément avec ennui.

1996 – Jean-Louis Murat : Dolores

Réalisé par Christophe Dupouy, Dolorèsn> est un album très marqué par l'électronique. Ce résultat, on le doit au séquenceur Pro Tools. L’album est construit sur des boucles rythmiques et fait appel à de nombreux sons synthétiques. Le mixage compacté au maximum reste néanmoins limpide à l’écoute.

1996 – DJ Shadow : Endtroducing

Un album entièrement produit à partir d’une boîte à rythmes Akai MPC 60. Endtroducing illustre parfaitement ce que l’on pouvait faire musicalement, il y a plus de 20 ans, en utilisant des samples et des boucles de batterie. Un album incontournable pour ceux qui aiment le hip-hop.

1999 – Moby : Play

À partir des années 90, les possibilités et les qualités sonores offertes par le numérique poussent certains musiciens à franchir le pas en travaillant en autoproduction. L’album Play a ainsi été réalisé en home studio. Pour ce disque, Moby a utilisé des samples de vieux disques de blues qu’il a ensuite retravaillé pour les intégrer au sein d'arrangements électro. La puissance du numérique – quand on sait s’en servir – permet en solitaire d’accomplir des prouesses. Le mixage est ici parfaitement réalisé et le dosage des pistes optimisé. Un succès commercial qui prouve à l’orée du 21e siècle que les grands albums ne sortent pas forcément des plus grands studios.

2002 – Norah Jones : Come Away With Me

Contrairement à la démarche générale de la plupart des artistes de sa génération, la chanteuse Norah Jones utilise les moyens apportés par le tout numérique en offrant à l’acoustique une voix royale. L’album comprend des influences folk et jazz et un cheminement musical personnel qui lui a permis de toucher, dès son premier album, un vaste public. Ces 25 millions d’exemplaires vendus à travers la planète en témoignent.

2002 – Alain Bashung : L’imprudence

Alain Bashung nous propose un véritable voyage sonore en s’échappant des structures 'couplet/refrain' traditionnelles. On le savait déjà, mais les chansons de Bashung s’habillent autrement. La dramaturgie sonore est l’un de ses éléments. L'album a été assemblé à partir de bribes d'enregistrements effectués dans divers studios et compilés sur le séquenceur Pro Tools. Les sons ont subi des traitements radicaux, allant jusqu'à la destruction totale. L'ingénieur et producteur français Jean Lamoot s’est montré d'une inventivité sans pareille.

2003 – Miroslav Vitous : Syncopations

La boucle est bouclée. Nous avions commencé avec du jazz et nous finissons avec du jazz. Le contrebassiste Miroslav Vitous, ancien compagnon de route de Chick Corea, passe à l’offensive avec cet album intitulé Syncopations. Il n’est plus question de s’enregistrer en live dans un studio, mais plutôt de faire appel à ProTools. Le « pouvoir numérique » est entré dans la tête des jazzmen. L’avantage et le confort apportés par le séquenceur permettent de définir un plan de travail en plusieurs étapes. Miroslav Vitous a d’abord enregistré la section rythmique qu’il a ensuite retravaillée et montée avant d’inviter d’illustres jazzmen à se joindre à lui. John McLaughlin, Jan Garbarek et Chick Corea se sont ainsi succédé. L’ultime étape revenant une fois de plus au contrebassiste qui est intervenu une dernière fois pour définir la structure finale des morceaux avant le mixage. À l’arrivée, tout semble naturel, comme si l’enregistrement s’était déroulé à l’ancienne. Décidément, on n’arrête pas le progrès !

Par Elian Jougla (Cadence Info - 08/2018)


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