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MUSIQUE & SOCIÉTÉ

LE DANGER DE LA CULTURE NUMÉRIQUE, UNE COURSE À L'INDIVIDUALISME

Suite à un sondage proposé par le ministère de la Culture intitulé Les pratiques culturelles des Français, nous vous soumettons quelques réflexions concernant l'usage du numérique et de l'Internet dans le domaine culturel. Ce rapport coédité par La Découverte et le Ministère de la Culture et qui date de 2008 est rendu officiel depuis seulement décembre 2009, date de la mise en ligne de cet article.

Cette page est la seconde partie de : La culture numérique, révolution du 21e siècle


DÉMOCRATISATION ET CULTURE

Au lieu de favoriser une certaine émancipation de la culture, les nouvelles technologies accentuent les inégalités… c'est la logique du cumul. Contre toute attente, Internet, au lieu d'ouvrir de nouvelles portes culturelles, de prévilégier de nouveaux champs de curiosité, sélectionne et renforce les opinions et les goûts déjà existants.

Pour démocratiser la culture et attirer de nouveaux publics, des efforts de décentralisation ont été mis en place, mais hélas, ceux-ci ne concernent encore que les grandes villes de province. Sans les efforts et les initiatives de quelques associations et comités municipaux, de nombreux villages resteraient à l'écart de toute culture... Ceci n'est pas nouveau ! Les disparités géographiques existent toujours. L'accès à la culture pour un lozérien n'est pas la même que pour un Parisien. Pour autant, rien n'est gagné d'avance.

© pixabay.com

Dans les grandes villes, malgré la présence d'abonnements à prix réduits et de manifestations gratuites, ce sont encore les revenus importants qui représentent au mieux la fréquentation des établissements culturels : concert, théâtre, etc. Tout n'est donc pas qu'une question de pratique, mais également de gros sous. Alors que des voix se font entendre depuis déjà de nombreuses années concernant le prix élevé du CD (et du piratage qui en découle), que doit-on penser de la démocratisation du prix des places avoisinant les 50 € ?

Si le livre est sauvée par la génération des baby-boomers, celle d'aujourd'hui (15/24 ans) ne pratique la lecture qu'occasionnellement. Les 15/24 ans ne lisent parfois qu'un seul livre par an (26 % chez les garçons et 15 % chez les filles). Nous savons que la lecture a toujours eu une prédominance féminine, mais peut-être que la lecture sur écran (e-book ou ordinateur) reste la solution pour faire découvrir une certaine littérature rejetée à l'école. Des éditeurs s'intéressent aujourd'hui à cette solution pratique et dans l'air du temps qui est capable d'attirer la jeune génération.


ET LES GOÛTS MUSICAUX ?

Changeant de génération en génération, le rock des baby-boomers a laissé place à la musique électro. La musique classique, poursuivie par son image élitiste, voire passéiste, ne trouve pas écho chez les jeunes adultes. Seulement 1 % des 15/35 ans placent la musique classique en tête de leur préférence. Même le public « mature » boude les concerts classiques. Rien d'étonnant à ce que ce soit la musique anglo-saxonne qui vienne en tête chez les ados (44 % des 15/19 ans). Déjà très présente dans la génération précédente, la musique d'outre-Manche et d'outre-Atlantique est renforcée aujourd'hui par la pratique de la langue anglaise, de plus en plus répandue (à l'école, mais également sur Internet) et par l'augmentation des voyages à l'étranger (d'agrément ou pour étude).


L'INTERNET ET LE RAPPORT À LA CULTURE

Désormais, l'écran est devenu pour la plupart d'entre nous un outil privilégié et surtout pratique dans notre relation avec le monde culturel, qu'il soit concret ou virtuel. Il existe bel et bien une culture numérique, mais pour le moment, son pouvoir est essentiellement divertissant : écouter des œuvres musicales, visionner des vidéos ou des films, visiter des musées de façon interactive, avec la possibilité, parfois, d'apporter ses propres commentaires et réflexions, acheter des places de concert, etc. Pour la jeune génération, Internet donne accès à tout et il n'existe plus de bonne ou de mauvaise culture, ni de mauvaises raisons pour s'en approcher. Internet a tout balayé devant sa porte et son utilisation massive favorise une certaine vision mondialiste. Les cultures populaires comme savantes coexistent sans problème majeur. Il faut considérer cela comme un progrès, n'en déplaise aux anciennes générations !

La souris porte bien son nom, quand d'un clic, elle se faufile pour nous transporter d'un site culturel à un site de divertissement. La culture y gagne en liberté, même quand l'information a une fameuse tendance à jouer des coudes pour imposer la forme plutôt que le fond, ou quand le référencement et la position sur les moteurs de recherche deviennent prioritaires parfois/souvent au détriment du contenu (un constat qui ne se dément pas jour après jour). D'ailleurs, rares sont les Internautes curieux, alors qu'il y aurait de quoi se plaindre. La majorité des utilisateurs prennent pour argent comptant tout ce qu'ils peuvent voir ou lire, et leur soif de découverte les poussent rarement à aller au-delà de la deuxième page des moteurs, même si des sites passionnants existent bel et bien, ne demandant qu'à livrer tous leurs petits secrets.

L'Internet a son revers en provoquant indirectement la fuite de la contrainte, de l'effort soutenu. Il est dangereusement pratique dans la possibilité qu'il nous offre : celle de zapper dans les moments où l'ennui s'installe. Le théâtre dramatique de l'enseignement, de tout ce qui touche à l'éducatif, illustre parfaitement ce décor négatif, ce glissement vers la superficialité et l'inutile. Toutes les disciplines artistiques qui demandent une attention soutenue ont une fréquentation en baisse (opéra, théâtre, musée…). Seul le cinéma résiste pour le moment chez toutes les générations.

L'Internet est peut-être l'outil de l'interdit… une sorte de contre-culture d'aujourd'hui. Il est le reflet de l'abêtissement, ce qui pousse une certaine intelligentsia culturelle à partir à l'offensive, mais maladroitement. Les chansons débiles côtoient les chansons à texte des grands auteurs. L'internet nous pousse à encore plus d'individualisme et tout le monde s'y retrouve ! La logique culturelle est perdue. Le côté émotionnel n'est plus partagé… c'est le renvoi à l'intime. La multiplication des supports technologiques et de leur fragmentation n'arrange rien, bien au contraire. Ceci accentue notre côté individualiste : chacun sa culture et sa façon de l'exploiter, de la vivre et de l'interpréter. Mais quand celle-ci n'exerce plus son pouvoir de communication et d'échange, ne risque-t-elle pas de rebondir dans une direction insaisissable ? Chacun défend alors ses idées, ses positions, son savoir. La culture n'a de raison d'être que parce qu'elle produit une émotion communicative nécessaire à l'homme.

Au fil des années 2000, les sites communautaires et sociaux, tels Facebook, You Tube ou plus récemment les textos, genre Twitter, ne sont peut-être que des effets de mode, de transition, en attendant une nouvelle relation communicative plus authentique et plus vraie. Il faut l'espérer, car il ne faudrait surtout pas que l'Internet devienne un lieu clos, hermétique, nous coupant du monde réel en affectant nos propres valeurs et en déformant nos émotions, en imposant ses lois, ses dictats et en visant un comportement "correct" pour chacun d'entre nous. Vous pensez peut-être que ce discours tient de l'utopie… allez savoir !

par Elian Jougla (Cadence Info - 12/2009)

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