À travers des chansons au registre varié, Otis Redding s'imposera comme l’un des plus grands interprètes vocaux que la musique rhythm and blues aura produite. Il réalisera en quelques années ceux que d’autres avaient vainement tentés sans jamais y parvenir : élever la musique de la culture noire américaine au rang de « musique universelle ».
« Otis Redding a symbolisé un véritable transfert de la suprématie de la musique populaire des Noirs, de Détroit, ville où cette suprématie était depuis longtemps établie, à Memphis où cet art populaire était plus près de sa source » proclamera le journaliste Robert Shelton, du New York Times, peu après sa soudaine disparition.
Né à Maçon (Georgie), la patrie de Little Richard, Otis remporte, très jeune, divers concours amateurs et devient le chanteur du groupe du guitariste Johnny Jenkis et des Pinetoppers. En 1962, Johnny Jenkins, qui va enregistrer à Memphis, demande à Otis de conduire le car du groupe. Ce sera la chance de sa vie…
L’enregistrement de Johnny Jenkins prend moins de temps que prévu et Otis Redding a alors l’opportunité d’enregistrer deux morceaux, un rapide et un lent : These arms of mine. Ce second titre sera le premier succès d’un artiste encore inconnu, mais qui déjà fait preuve d’une grande personnalité dans sa façon de chanter.
Pain in my heart enregistré en 1963, Respect en 1965 (issu de l'album Otis blue, considéré pour beaucoup de spécialistes comme étant le disque de référence) et d’autres titres comme I’ve been loving you too long et I can’t turn you loose produits la même année, vont confirmer le succès fulgurant de cet artiste. L’année suivante, Don’t mess with cupid, Fa-fa-fa et surtout Try a little tenderness et la reprise de Satisfaction des Rolling Stones vont l’imposer dans le monde entier comme le chanteur de rhythm and blues numéro un.
Chez Otis Redding, de nombreuses chansons auront une prédominance religieuse. Ce sera le cas d'un grand nombre de chanteurs Afro-Américains de cette époque. Dans les textes, le prêcheur, la foi et le chant gospel ne sont jamais bien loin. Si les ballades servent bien sa voix et concourent aux premiers succès, c’est dans un registre plus rythmé, plus agressif, que le chanteur va marquer les esprits. Sa voix mélancolique cédera sa place quand le rythme martelé de la batterie et les assauts répétés et puissants des riffs de cuivres viendront soutenir d'autres tonalités bien plus audacieuses.
En 1967, les Anglais le sacrent chanteur de l’année. Curieusement, Otis ne connaîtra la gloire dans son propre pays qu’avec Dock of the bay, son 45 tours posthume qu’il avait enregistré quatre jours avant sa mort (5 millions de simples vendus).
OTIS REDDING : RESPECT (live Monterey 1967)
À l'approche de l'hiver, le 10 décembre 1967, son avion s’écrase dans les eaux glacées du lac Madison (Wisconsin), emportant à jamais l’artiste et ses compagnons d’infortunes. Des quatre musiciens qui l’accompagnaient, seul le trompettiste Ben Cauley survivra. Otis et son groupe The Barkays ont ainsi disparu au sommet de la gloire. Pour l’Amérique, mais surtout pour les Afro-américains c’est un choc. Les fans d’Otis ressentiront cruellement la perte de ce chanteur unique disparu alors qu'il n'avait que 26 ans.
Otis Redding avait non seulement du talent, mais c’était aussi un être à l’énergie inépuisable et qui ne manquait jamais d’humour, même dans les moments difficiles. C'était un chanteur qui savait pousser sa voix sans devoir imiter les cris du légendaire James Brown ou en caricaturant celle de Sam Cooke. De ce dernier, on n’oubliera pas l’interprétation inoubliable de son grand succès, Shake, par un Otis conquérant au festival de Monterey, en 1967. Il saura ce jour-là conquérir le public blanc et le rallier à sa cause, mais dans des circonstances très différentes que celles connues par Jimi Hendrix à Woodstock, deux ans plus tard.
Otis Redding n’était pas seulement un interprète à succès, c'était également un compositeur émérite. Le "Respect" d’Aretha Franklin, c’est à lui qu'on le doit. L’artiste possédait de multiples talents, dont celui d’arrangeur et d’instrumentiste. Sa « modeste » contribution musicale se limitera à la pratique du piano, de l’orgue, de la guitare, de la basse et de la batterie. Otis était un orchestre à lui seul !
Grâce à cet artiste de pure souche "rhythm and blues", la soul-music ne fut plus, à partir de 1965, l'apanage du seul public noir, mais devint au contraire une musique très populaire auprès des auditoires blancs du monde entier. Otis Redding avait ouvert une brèche pour lutter contre la ghettoïsation du peuple Noir aux États-Unis. Ses « frères » lui doivent beaucoup, la musique aussi.
Durant son vivant, mais surtout après sa disparition, les chansons d’Otis Redding jouiront, tout comme le personnage, d’une remarquable popularité en étant reprises par de nombreux interprètes venus d’horizons divers... Des artistes de la scène soul et rhythm and blues : Tina Turner, Etta James, Aretha Franklin ; des artistes venus du rock : The Rolling Stones, Michael Bolton, The Black Crowes et même des artistes français comme Johnny Hallyday.
Des chansons naîtront également pour saluer son talent et son charisme. Citons : Cole, Cooke & Redding, par Wilson Pickett, Runnun’ Blue par The Doors, Now I know what made Otis blue par Paul Young, Big Bird par Eddie Floyd, sans oublier côté français le “Otis” si particulier du groupe Magma et de son leader Christian Vander. Le rap le saluera à sa façon en samplant heureusement/malheureusement sa voix pour un hommage éternel et virtuel avec Jay-Z et Kanye West.
Par PATRICK MARTIAL (Cadence Info - 02/2014)
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