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BIOGRAPHIE DU GROUPE THE MAMAS AND THE PAPAS, LE QUATUOR VOCAL CALIFORNIEN

Au creux des années 1960 allait surgir un groupe vocal atypique et performant, The Mamas and the Papas. L'histoire de la musique pop et folk n'a pas oublié ce quatuor-là qui a su si admirablement mettre en valeur les harmonies vocales.


PLANTONS LE DÉCOR

Apparus à l'automne 1965 dès leur premier album, The Mamas and the Papas vont se hisser aux premières places des charts avec des chansons servies par de splendides harmonies vocales. Composé de deux femmes et de deux hommes, Cass Elliott et Michelle Phillips, pour les Mamas, Denny Doherty et John Phillips, pour les Papas, le groupe va rencontrer le succès en interprétant des mélodies influencées par le folk. Ce choix musical peut se comprendre quand on sait que Cass Elliott et Denny Doherty avaient appartenu à différents ensembles de folk avant d'intégrer The Mamas and the Papas (The Journeymen, Big Three, avec Tim Rose, et Mugwumps, avec James Hendricks, le futur leader de Lamp Childhoodog).

La majorité des chansons de The Mamas and the Papas reflétaient parfaitement la fraîcheur et la joie de vivre californienne. La seule écoute de California Dreamin' suffit pour s'en convaincre. Le quatuor incarne parfaitement la vague hippie par leur marginalité et par la part non-négligeable que les quatre artistes ont occupé dans l'histoire de la musique pop. Par ailleurs, le groupe a ouvert une brèche dans l'art d'harmoniser les mélodies. Grâce au travail conduit par John Phillips, The Mamas and the Papas sont parvenus à obtenir un son identifiable et reconnaissable, ce qui leur a permis de fidéliser un public et d'inciter d'autres formations vocales à les imiter.

© CBS Television (wikimedia) - The Mamas and the Papas durant le show d'Ed Sullivan en juin 1967, avec de g. à dr. Michelle Phillips, Cass Elliot, Denny Doherty et John Phillips.


PORTRAITS EN DIAGONALE ET FORMATION DU GROUPE

John Philips est né dans une base militaire à Parris Island en Caroline du Sud, en 1935. Son père, un homme alcoolique et incontrôlable, est un officier dans la marine américaine. Pour son fils, il n'envisage que l'école militaire, mais l'expérience tourne vite au cauchemar pour John. Il se sent opprimé par l'éducation extrêmement stricte du lieu et n'éprouve qu'un désir : développer un tempérament de pacifiste tout en contenant la rage qui l'anime.

John Phillips, l'homme tourmenté, après un mariage désastreux avec une femme riche, du nom de Susan, rencontre Holly Michelle Gilliam qu'il épouse en 1962. Lui a 28 ans et elle 17. Michelle est la plus jeune du quatuor. Elle est née à Long Beach, en Californie. Sa mère est comptable et son père, un homme d'affaire. Elle traverse une partie de son enfance au Mexique et grandit au son de sa culture. Le couple va unir leur voix dans un premier groupe, The New Journeymen.

Cass Elliot, la seconde des deux Mamas, est née à Baltimore. Ses parents sont des immigrés juifs et russes. Cass est l’aînée d'une famille de trois enfants. Grâce à son père, elle découvre l'opéra et se passionne pour ce chant. Celle que l'on surnomme affectueusement "Mama Cass" possède une voix profonde et atypique qui complète parfaitement le quatuor. Enfin, Denny Doherty est né à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Son père est ferronnier et sa mère, femme au foyer, possède une foi mystique. Très tôt, son entourage remarque le superbe timbre de voix de Denny. En 1960, il fonde le groupe de folk The Colonials à Montréal, puis intègre The Hepsters avant de rencontrer Cass Elliot chez les Mugwumps.

Denny Doherty rencontre John et Michelle quand il postule pour intégrer The New Journeymen. John et Michelle, dans l'intention d'obtenir un équilibre vocal optimal, recherchent une seconde voix féminine. Denny leur suggère alors son amie Cass et parvient à convaincre le couple de l'engager.

Les quatre membres ainsi réunis forment le groupe The Magic Circle. Ils vivent ensemble sous le même toit, sur Flores Street à Hollywood, et partagent visiblement les mêmes goûts. Un jour, par jeu, Cass Elliott et Michelle Phillips se proclament "Mamas", en s'inspirant du nom donné aux femmes par les Hells Angels. Quant à la gent masculine que sont Denny Doherty et John Phillips, elles les proclament les "Papas". Et comme le nom de The Magic Circle leur convenait peu, d'un commun accord, ils décidèrent de s'appeler The Mamas and the Papas. Le groupe était né.


CALIFORNIA DREAMIN'

CONSTRUIT SUR UN RÊVE VENU DE CALIFORNIE

Leur objectif premier était de se procurer une identité. Le folk-rock de Bob Dylan est à cette époque dans toutes les oreilles. L'homme fait parler de lui, tout comme Joan Baez. La direction semble claire. Le quatuor investit les bars et les pubs et se font vite remarquer. Un soir, l'auteur et compositeur Barry McGuire les présente au producteur de musique Lou Adler qui les signe chez Dunhill suite à une audition.

© ABC Télévision (wikimedia) - The Mamas & the Papas en juin 1967 durant l'émission "The Songmakers" sur la chaîne télévisée ABC.

Leur premier single, Go where you wanna go, sort en novembre 1965. Le son de The Mamas and the Papas est déjà là. Extrêmement précis dans l'interprétation, la technique vocale déployée est loin d'être simple et légère. À l'écoute, on ne saurait mentir si l'on omettait l'influence des Beatles et des Beach Boys. Sur la lancée, un autre titre sort, California Dreamin'. Celui-ci obtient le soutien du magazine Billboard qui consacre une page entière au groupe. L'album qui suivra (If you can believe your eyes and ears - 1966) et qui s'accompagne des deux titres précités, portent haut le rêve hippie florissant des débuts. C'est de l'art pop pur jus !

Ce disque sera leur premier et unique album à devenir numéro 1 aux États-Unis, et il sera nominé pour quatre Grammys. Outre California Dreamin', l'album contient deux autres tubes, Monday, Monday et I Call Your Name. Par ses textes et son climat sonore, If you can believe your eyes and ears exercera une grande influence auprès de la jeune génération, bien décidée à tout quitter pour venir s'installer sur la côte Ouest.

Alors que le second album est en préparation, des problèmes internes apparaissent quand Michelle a une histoire sentimentale avec Denny Doherty, puis avec Geny Clark du groupe The Byrds. John, qui vit cela très mal, vire Michelle du groupe. Elle est remplacée par Jill Gibson qui possède d'excellentes qualités vocales. Mais l'équilibre vocal ne satisfait pas le versatile John qui redemande à Michelle de réintégrer le groupe. Tous les enregistrements réalisés avec Jill Gibson sont alors à refaire.

Malgré les tensions, le second album sort en 1967 sous le titre Cass, John, Michelle and Denny et remporte un succès commercial mérité en se classant quatrième. Parmi les titres figure I Saw Her Again qui relate la relation entre Michelle et Denny Doherty. Paradoxalement, la chanson sonne comme un immense rayon de soleil alors que la douleur et les intrigues sont encore présentes. La même année, pour honorer leur contrat qui les oblige à publier deux productions par an, The Mamas and the Papas sortent Deliver, dont on retiendra Dedicated To The One I Love. Une fois de plus, le groupe accède aux places d'honneur en se classant en seconde position des ventes aux États-Unis.


DES DISSENSIONS ANNONCÉES

En cette année 1967 se profile à l'horizon le légendaire "Monterey Pop Festival". Quand le "Jour J" se présente, Denny Doherty arrive avec du retard. Depuis son aventure avec Michelle, il a sombré dans l'alcool. Toutefois, le concert se déroulera sans accident devant un public enthousiaste.

© Schenzman (wikimedia) - La pochette du quatrième album, "Papa's and Mama's"

Après Monterey, John Phillips mettra tout en œuvre pour réussir le quatrième album. Dans la maison du couple, un studio d'enregistrement a été aménagé. Si Denny Doherty consomme de l'alcool, de son côté John absorbe beaucoup de drogues et il devient mégalomane. Il gère tout, des musiques jusqu'aux textes et exige de refaire des prises qu'il juge mauvaise. Dans le studio, Michelle, Cass et Denny n'entretenant pas à son image autant d'obsession pour la perfection, ces demandes à répétition passent mal et le groupe ne parvient pas à travailler convenablement. « Ils étaient devenus des personnages belliqueux », dira l'auteur John Aizlewood.

Les séances d'enregistrement s'arrêtent et ils partent en Europe pour une tournée. Quand ils arrivent au Royaume-Uni en octobre 1967, Cass Elliot est arrêté, apparemment, en raison d'une note d'hôtel impayée. À cause de cet imbroglio, une âpre dispute éclate avec John ; Cass menaçant de quitter le groupe. Néanmoins, le quatuor parvient à recoller les morceaux et le quatrième album, tant attendu, parvient à sortir.

Contrairement aux trois albums précédents, le disque Papa's and Mama's n'obtient pas le succès commercial attendu. Peu de temps après, un simple sort : Dream a Little Dream of Me, qui place en vedette Cass, ce qui ne plait pas à John. Des batailles d'ego surgissent. L'équilibre du groupe est en suspens quand, au début 1969, leur séparation officielle est annoncée.


DEDICATED TO THE ONE I LOVE

L'APRÈS "THE MAMAS AND THE PAPAS"

John, Denny, Michelle et Cass partent tous sur des projets solos. Cass publiera l'album Dream a Little Dream qui obtiendra un succès réel, ce qui ne sera pas le cas de John avec son The Wolf King of L. A., dans lequel l'auteur-compositeur aborde une musique et des textes ombrageux éloignés de The Mamas and the Papas.

De son côté, Michelle ne réalisera qu'un seul disque en solo qui passera inaperçu (Victim of Romance - 1977). Elle préfèrera orienter sa carrière vers le cinéma et la télévision, ce qui lui réussira (Dillinger, Bloodline...) ; sa carrière florissante pour le 7e art éclipsera même son passé de compositrice et de chanteuse. Quant à Denny, il éditera deux albums solo : Watcha Gonna Do et Waiting for a Song en 1974, sans qu'aucun ne soit à l'égal du succès de The Mamas and the Papas.

L'histoire étant close, le groupe The Mamas and the Papas fera l'objet de différentes compilations pour donner suite au contrat de cinq ans qu'ils avaient signé, trois années avant de se séparer. Or, à l'échéance de l'année 1971, le quatuor devait encore un album à Dunhill. Le producteur, conscient qu'il serait pénible, voire irréalisable de réunir les quatre membres en usant de diplomatie, décide de les poursuivre en justice. L'effet sera immédiat. Contraint par les circonstances, The Mamas and the Papas sortent People Like Us, un cinquième album dont l'originalité fera qu'ils ne se rencontreront jamais dans le studio, puisque le disque est constitué, pour l'essentiel, autour d'un assemblage de prises enregistrées séparément.

Une fois les obligations contractuelles remplies, la séparation est finalisée, et chacun reprend sa route. Cass Elliott poursuit brillamment sa carrière solo jusqu'à son décès survenu en 1974, à la suite d'une crise cardiaque. L'âme créative des Mamas and Paps, John Phillips, poursuit sa vision personnelle sans renouer avec le succès. Ses uniques réussites seront dans le cinéma pour lequel il composera plusieurs BO dont Myra Breckinridge en 1970 et The Man Who Fell to Earth en 1975, avec David Bowie.

En 1988, des années après la séparation du groupe, The Mamas and the Papas entre au "Rock'n'Roll Hall of Fame". John, Denny et Michelle reçoivent la récompense en compagnie d'Owen, la fille de Cass et, pour l'occasion, réinterprèteront sur scène leurs anciens tubes dont bien sûr California Dreamin'.

Ce rêve hippie, qu'ils représentaient à merveille, a été une façon glorieuse de conclure une histoire sans larmes, comme un point final à un héritage venu d'une période féconde et pour laquelle le groupe avait suggérer ce "son californien". Les groupes ABBA ou Fleetwood Mac s'en souviennent encore !

Par D. Lugert (Cadence Info - 01/2023)
(source : "The Mamas and the Papas" – 3DD production - 2016).


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