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MUSIQUE & SOCIÉTÉ

LE MARCHÉ DES CATALOGUES D'ARTISTES INTERNATIONAUX ET SES INVESTISSEMENTS

En quelques années, à cause du téléchargement illégal "peer to peer" puis du streaming, les auteurs compositeurs avaient fini par se poser la question « Peut-on encore vivre de la musique ? ». L'industrie du disque était alors en pleine mutation sur Internet, imaginant des modes économiques d'un nouveau genre. Désormais, à l’heure où les concerts sortent de leur grande léthargie et que les activités artistiques reprennent leurs droits, l’industrie de la musique renfloue ses caisses grâce au renfort de grands groupes financiers...


CHANSONS ET PLACEMENT FINANCIER

Ce soudain intérêt pour un secteur qui hier encore était en en difficulté s'explique pour la simple raison que la finance a trouvé dans les œuvres des plus grandes icônes de la musique populaire une bonne façon de faire fructifier son argent. Qu’ils s’appellent Fleetwood Mac, Eurythmics, The Kinks ou Black Sabbath, tous ont vendu les droits de quelques chansons ou de tout leur “catalogue” à des entreprises telles que Hipgnosis et Primary Wave ou à des éditeurs comme BMG afin de percevoir un très gros chèque, à l’image des albums de Neil Young avec ses 150 millions de dollars !

Ce fait, qui n’est pas rare, tendrait à démontrer que la chanson serait un excellent placement, un capital offrant suffisamment de sécurité pour appartenir à des fonds d’investissement ou à des sociétés de l’édition musicale. Récemment, dans le domaine des musiques rocks, les Red Hot Chili Peppers ou encore le producteur Timbaland ont vendu des droits à Hipgnosis (1) qui compte Blackrock (2) et l’Église d’Angleterre parmi ses actionnaires. Le patrimoine de stars comme Whitney Houston et Bob Marley est quant à lui administré par Primary Wave, où Blackrock fait encore une fois partie des principaux investisseurs.

Alors qu’il ne se passe pas un mois sans qu’une rockstar ne vende les droits de ses chansons, on est légitimement en droit de se poser la question de ce soudain intérêt pour la musique, envers ce maillon artistique si sensible aux modes et aux éternelles remises en question. Pourquoi la musique est-elle devenue en si peu de temps un placement rentable ? Pourquoi les œuvres avec lesquelles les artistes ne gagnent plus leur pain deviennent tout à coup si lucratives ?

L’existence d’une musique a ceci de particulier qu’elle n'est pas limitée dans le temps. Qu’une chanson ait le pouvoir de traverser les générations ou qu'elle ne soit au fond qu'un tube de courte durée, dans les deux cas, elle est étroitement liée à l’ADN culturel de la société dans laquelle elle entre en vie.

Pour rassurer les investisseurs qui comptent bien en profiter, des sociétés comme Hipgnosis ou Primary Wave veillent à la ligne artistique des titres achetés. Les auteurs et compositeurs, qui sont très attachés à leur création, comprennent assez vite où se trouve leur intérêt, surtout quand leur capacité à se réinventer s’éloigne. Généralement, ceux qui sont sortis des radars depuis un certain temps ne font aucunes difficultés. Ceux qui slamment, qui rappent, profitent aussi de l’aubaine, d’autant que les montants accordés dépassent de très loin les droits d'auteurs qu'ils percevraient en une ou plusieurs années.

Si ce marché existe, c'est qu'il est forcément profitable. La manne financière provient principalement d’actionnaires (banques, compagnies d’assurances, grandes entreprises, etc.) Ces sociétés ne misent pas sur les nouveaux talents – trop fragiles – mais sur des tubes qui ont fait leur preuve. Un certain recul est donc nécessaire. Toutefois, le maître-mot de cette « valeur artistique » doit se transformer en prévisibilité pour devenir un bon produit d’investissement.

Bien que les taux d’intérêt des banques restent bas, le monde de la finance est toujours à la recherche de nouveaux moyens pour faire fructifier ses placements et la musique est un excellent terrain pour spéculer. La maison de disques BMG l'a bien compris. La filiale musicale du grand groupe de médias Bertelsmann qui gère le catalogue de Kurt Cobain, David Bowie ou encore de Mick Fleetwood, a cherché à étoffer son catalogue en collaborant avec le grand fond d’investissement américain KKR (Kohlberg Kravis Roberts & Co).

Comme dans tout placement boursier : minerai, pétrole ou or, il existe toujours un risque, mais l’avantage d’un investissement dans le secteur musical est d’être moins exposé aux soubresauts du marché ou des grands bouleversements économiques. Généralement la musique est épargnée contrairement à de l’or ou du pétrole. La pandémie liée au Coronavirus l’a quelque part démontré. Durant les périodes de confinement, la musique a continué de jouer son rôle, et même d’avantage grâce au Web. Comme la dose d'écoute est habituellement liée au moral de chacun, dans les moments difficiles, la musique vient rassurée et réconfortée.


MUSIQUE À VENDRE : 'LES CATALOGUES DES STARS INTERNATIONALES'
(source France 2 du 09/01/2022)

LE STREAMING, ASSURÉMENT !

Comme n’importe quelle mise de fonds, tout acquéreur d’une chanson peut à tout moment revendre les droits avec des intérêts à la clé. Ce modèle économique s’est imposé avec l’arrivée du numérique ; rapidement et de façon attractive. Imaginons alors le « stream » d’une chanson comptabilisant des centaines de millions de vues ou une playlist d’une grande plateforme avec des titres qui ont un demi-siècle ou plus d’existence, dès lors une chanson ne se voit plus comme une chanson, mais comme un produit économiquement rentable.

Le regard que nous portons sur la musique et notre manière de la consommer constituent un tout indissociable qui n'a pas échappé aux investisseurs. Chaque écoute réalisée en streaming vient enrichir les propriétaires qui détiennent les grands catalogues. La valeur artistique des chansons s’enrichie autrement en suivant "un autre chemin que", et à l’allure où vont les choses, les prévisionnistes bien informés pensent que le phénomène devrait s’accentuer.

Le streaming est un phénomène récent dont personne ne peut prédire l’avenir. Les grandes maisons de disques suivent le mouvement et investissent aussi dans les artistes confirmés, à l’exemple de Paul Simon, dont le catalogue a été racheté par Sony music ou de Bob Dylan qui a vendu l’intégralité de ses droits pour 300 millions de dollars chez Universal... Au grand dam des jeunes artistes qui doivent désormais se demander comment se réinventer pour trouver la place qu’ils méritent !


1.Hipgnosis est une société intégrée à l'indice FTSE des 250 plus grosses valeurs cotées à Londres. Elle a été fondée par Merck Mercuriadis (ancien manager d’Elton John, de Lady Gaga et de Beyoncé) qui a acquis en quatrième vitesse des catalogues de quelques grandes rockstars, notamment les plus âgées.

2. Blackrock est une société multinationale américaine spécialisée dans la gestion d'actifs. Son siège social est situé à New York. Présent en France depuis 2006, ses activités sont régies par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Blackrock gère environ 26 milliards d’euros confiés par différents clients français : des compagnies d’assurance, des caisses de retraite, des institutions officielles, des entreprises, des banques traditionnelles et digitales ainsi que des fonds de dotation.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 01/2022)

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