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INSTRUMENT ET MUSICIEN

LA SCÈNE ROCK ET L'ÉVOLUTION DU SON À TRAVERS SES INSTRUMENTS

Pour les plus jeunes d’entre vous qui assistez de nos jours à des concerts, il est bien difficile d’imaginer ce que pouvaient être les difficultés rencontrées par les musiciens des années 60/70 quand ils s’engageaient dans une tournée. Les instruments, la technique, mais aussi les moyens de communication étaient vraiment d’une tout autre nature !


LA COM, UN MAILLON ESSENTIEL

Quand un grand groupe partait en tournée, celle-ci était précédée d’un affichage conséquent, suivi de nombreux articles dans la presse. Encore bien plus qu’aujourd’hui, le bouche-à-oreille jouait son rôle à merveille et enflammait des semaines à l’avance l’imaginaire du public... Et quand le prix des places était exorbitant, l'histoire était courue d’avance : les billets faisaient l’objet d’un marché noir à l’entrée des concerts. Cependant, musicalement parlant, le plus instructif se déroulait ailleurs, sur scène, lorsque le larsen s’invitait et que le matos produisait ses caprices suite à quelques soucis techniques ou à cause d’une « balance » réalisée dans l’urgence.

Toutes ces sautes d’humeur si soudaines n’empêchaient pas les artistes de présenter des spectacles agrémentés de multiples effets spectaculaires. Les années 70, surtout, vont transformer l'image des grandes tournées à coup de fumigènes de couleurs, de projection de films ou de photos, usant à l’occasion de quelques effets propres aux discothèques comme les lumières stroboscopiques et les rayons lasers. Le jeu scénique et quelque peu théâtral faisaient désormais jeu égal avec le show-business.

© pixabay.com


AU COMMENCEMENT, TOUT ÉTAIT UNE QUESTION DE PUISSANCE !

C’est par là que tout a commencé, dans les années 50, quand le rock’n’roll a entraîné dans son sillage une surenchère de décibels. La contrebasse sera le premier instrument à en faire les frais. L’époque heureuse de Bill Haley n’est plus et l’instrumentation acoustique disparaît, écrasée par une électricité dominante et dévastatrice.

Au début des années 60, si de petits amplificateurs à 20/30 watts sont communément utilisés, très rapidement, « les retours » vont devenir indispensables pour que sur scène les musiciens puissent s’entendre. En 1964, les Stones se servent de petits amplis de 50 watts dans des salles qui contiennent des milliers d’admirateurs bruyants. Aussi, pendant deux ans, les Stones n’entendront-ils pas une note de ce qu’ils jouent. Il en sera de même pour les Beatles et bien d’autres groupes populaires de l’époque.

Ce sont les Who qui utiliseront les premiers une amplification massive. Des années après, ils seront toujours là pour indiquer la direction dans ce domaine à une époque où pourtant la plupart des grands groupes sont entrés dans le domaine des mégawatts (plus de 1 000 watts d’amplification en façade !).

Lors de la décennie suivante, le développement de la technologie commence à ouvrir de nouveaux horizons et permet surtout l’extension de la gamme des effets sonores tout en apportant une qualité toujours plus grande dans le domaine de la reproduction. Le son devient le maître mot. On parle déjà de révolution dans les milieux spécialisés. La technique expérimente à dosage plus ou moins homéopathique de nouvelles amplifications, de nouveaux jeux de lumières. On envisage même le sans fil et les premiers micros HF…

En coulisse ou face à la scène, le technicien son contrôle et élabore la balance en estimant l’acoustique du lieu. La petite console se transforme alors, au gré des exigences, en une régie puissante aux multiples canaux et totalement soumise aux ordres de chaque musicien : guitariste, organistes, bassiste, batteur, chanteur… Sur scène, le moindre des amplis offre désormais un contrôle optimal du son. La tonalité, qui a fait son apparition dans les années 60 et qui permet déjà le réglage des basses, médiums et aigus, propose à présent un réglage précis de quelques gammes de fréquence grâce à l’équaliseur. Le son est dorénavant taillé sur mesure.


LE RÔLE PRÉDOMINANT DE LA GUITARE

La guitare électrique a été l’instrument clé. Chuck Berry n’aurait pas été Chuck Berry sans sa Gibson, et B. B. King non plus ! Si la musique blues a été la première musique à user d’une guitare électrifiée, ce sera le rock’n’roll qui la courtisera au mieux et qui l’imposera au grand public.

Très vite, des marques émergent. Les guitaristes reconnus par leur jeu sur scène - mais surtout par le son qu’ils tireront de leur « six cordes » - feront pencher la balance envers tel ou tel modèle. Les guitares les plus réputées à entrer dans l’histoire ont alors pour nom Fender Telecaster, Fender Stratocaster et Gibson solid body.

Or, depuis que les premières guitares électriques sont apparues à la fin des années quarante, celles-ci n’ont guère évolué, hormis l’ajout de quelques accessoires comme le trémolo qui a pour effet de produire un vibrato en modifiant la tension des cordes (Jimi Hendrix en fera bon usage). Face à cette restriction qui touche la guitare, mais également les autres instruments électriques comme la basse et les claviers, les musiciens vont susciter chez les constructeurs la naissance d’un marché parallèle : celui des pédales d’effets.

© pixabay.com - Des pédales d'effets au choix !

Inséré entre l’instrument et l’ampli, les pédales d’effets vont produire justement leur effet sur le comportement des musiciens en les conduisant directement à des inflations de concurrence pour obtenir le plus gros son ou le plus beau son. À ce titre, les guitaristes sont sans nul doute les musiciens les plus gourmands !

Les effets qui prédominent les années 60/70 sont : la fuzz-box, nom générique de tous les gadgets électroniques qui permettent une distorsion des sons ; la wah-wah, qui fait varier les fréquences aiguës – surtout présente dans la musique funk des années 70, elle revient actuellement à la charge avec la musique électro ; et les « doppler units » qui produisent un vibrato mécanique.

Cette offensive visant à conquérir de nouveaux territoires sonores est complétée par d’autres effets incontournables :

  • La réverbération.
  • Le delay. Utile pour obtenir des effets d’écho.
  • Le Feedback. C’est une note très aiguë obtenue en produisant un volume sonore suffisant pour provoquer une vibration entre l’amplificateur et les cordes.
  • Le pré-ampli. Il survolte le signal provenant de la guitare et occasionne de puissantes distorsions.

LE POURQUOI DES CLAVIERS ÉLECTRIQUES

Hier comme aujourd’hui, le piano est loin d’être pratique en tournée. Son poids et sa maintenance sont des sources de problèmes qui demandent beaucoup d’investissement en temps comme en moyens. De plus, comme toutes les salles de spectacle n’en ont pas toujours un à disposition, le modèle électrique s’est imposé de lui-même. Le poids a été le premier critère observé et favorable à l’essor du piano électrique, d’autant plus que l’orgue Hammond, malgré son énorme succès, demeurait un instrument imposant, difficile à manœuvrer.

Toutefois, le clavier si cher à Jimmy Smith n’allait pas disparaître de la scène rock aussi radicalement que le piano acoustique car, de toute évidence, cet instrument doté de sonorités puissantes, voire « traficotées » pour la bonne cause, avait appris à dialoguer avec les guitares électriques bien mieux que le piano. Que ce soit dans les ballades ou dans les morceaux de hard, sa présence semblait indispensable.

Cependant, les succès rencontrés par les pianos électriques Wurlitzer, puis par le Fender Rhodes, allaient finalement damner le pion à l’inestimable orgue Hammond. Les jeux étaient faits. Ces deux modèles-là étaient suffisamment fiables et pratiques pour que l’orgue passe de vie à trépas. La carte d’identité sonore du Rhodes sera tellement puissante qu’elle ira jusqu’à supplanter le piano acoustique dans de nombreuses productions de musique pop, jazz et de variétés.

Sur scène, aux côtés de l’orgue Hammond et des pianos électriques existent aussi des claviers purement électroniques. Ceux-ci n’ont ni cordes ni marteaux et le son est produit par des circuits transistorisés. D’abord timide dans les années 60, le synthétiseur parvient à s’imposer jusqu’à cerner le claviériste de toute part. L’image de Jean-Michel Jarre ou de Vangelis entouré d’une armada de synthétiseurs laissera des traces…

Développé par Robert Moog et quelques autres, le son est obtenu électriquement à partir de modèles complexes aussi redoutables qu’attirants. Des sonorités expérimentales voient le jour et des artistes solitaires comme des groupes bâtiront leur carrière autour de cet axe : Tangerine Dream, Vangelis, Klaus Schultze, Pink Floyd… Le Mellotron, autre instrument électronique révolutionnaire, tentera de reproduire fidèlement des sons de n’importe quel instrument grâce à des bandes magnétiques préenregistrées. Malheureusement, cet ingénieux système jugé par certains comme trop fragile finira par tomber dans l’oubli quand les premiers signes de l’échantillonnage se présenteront.


LES AUTRES FAITS MARQUANTS

Alors que la basse traduit à la corde près l’inflation des effets dans quelques nouvelles techniques de jeu, dont le tapping et le flapping, la batterie est le rare instrument à ne pas trop avoir dévié de sa trajectoire initiale. C’est seulement à partir des années 80 que le public découvrira sur scène les premières batteries électroniques équipées de pads sensitifs.

L’autre fait marquant des tournées rocks des seventies et des orchestrations alors en usage est la présence d’une section de cuivres (trompettes, saxophones, trombones). Celle-ci connaîtra son heure de gloire surtout dans les musiques rhythm and blues, soul ou hérité du jazz, comme les formations Chicago ou Blood Sweat and Tears. Cet enrichissement orchestral n’aura qu’un temps et disparaîtra progressivement de l’avant-scène au début des années 80, au moment même où une autre révolution musicale s’achevait, le disco.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 07/2017)


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