Michel Legrand n’est plus seul à présent sur scène, son fils Benjamin l’accompagne de sa voix. Ensemble, ils revisitent ses plus grands succès, de ceux qui marquent une prolifique et talentueuse carrière, des Moulins de mon cœur à The summers knows (L’Eté 42), mais également quelques compositions en provenance du disque “Benjamin Legrand sings Michel Legrand” (2005).
Après avoir déjà partagé la scène, notamment fin 2008 pour une série de concerts, père et fils se sont retrouvés pour une autre tournée en 2009/2010 intitulée Les Liens du Jazz, Michel étant au piano, tandis que son fils donnait de la voix.
Benjamin Legrand suit ainsi les sillons tracés par son père, ceux d’une passion commune pour la musique de jazz. On retrouve dans le chant de Benjamin Legrand les vibrations typiques du jazz, même quand celui-ci s’exprime en français.
Sur scène, ils sont accompagnés par des musiciens rodés à ce genre d’exercice : Claude Egea, trompette - Hervé Méchinet, saxo - Philippe Chayeb, basse et André Ceccarelli, batterie.
Benjamin Legrand n’en est pas à son premier coup d’essai. La scène, il la pratique depuis déjà quelques années : festivals de Jazz de Cannes, de Troyes, de Calvi. En 1996, paraît un cd intitulé “Chanson de Paris” et l’année suivante de “Le petit journal” en compagnie de son père, à la tête d’un big band. Benjamin Legrand : « quelle plus belle récompense pour un chanteur que d’avoir derrière lui cette armée de cuivres si bien arrangés ! Tous ces musiciens dont le formidable talent nous entraîne. »
Le célèbre artiste Baden Powell coopère avec lui pour un album intitulé “Samba in Preludio – Quand tu t’en vas“, qui sera le dernier disque enregistré par le guitariste brésilien.
Que dire sur Michel Legrand, si ce n’est qu’il porte bien son nom et qu’il est un compositeur accompli et reconnu dans le monde entier. « Je me sens partout chez moi à partir du moment où j’ai du papier pour écrire et un piano pour jouer », précise Michel Legrand. Résidant en Suisse, ses escales à Paris ou à New York restent encore nombreuses, mais pour lui, sa seule véritable patrie est la musique. Il n’est pas rare d’ailleurs qu’il emporte avec lui son piano muet quand il monte dans un avion.
La famille Legrand est une famille de musicien. Le père de Michel Legrand dirigeait un orchestre comprenant l’un des fondateurs du jazz bop, un nommé Dizzy Gillespie, et c’est à cette occasion que Michel Legrand signe ses premiers arrangements. Les fondations sont bien jazz, mais la carrière qui va suivre va le mener aux confluences de musique aussi différentes que le classique ou la variété. Son passage chez la pédagogue Nadia Boulanger marque d’une empreinte indélébile son style. Quincy Jones, autre grand compositeur et arrangeur, sera également influencé par son passage chez cette dame, professeur du Conservatoire américain de Fontainebleau et qui reste l’une des rares femmes chef d’orchestre à avoir remis au goût du jour la musique baroque.
Comment définir le style Michel Legrand ? Sa façon d’utiliser le demi-ton chromatique redondant et que l’on entend dans Les Parapluies de Cherbourg ou dans The Summer Knows ? Une telle vision de son œuvre serait injuste et réductrice. Alors peut-être l’écriture des cordes avec ses envolées caractéristiques ? Ou alors un désir constant de sortir des sentiers battus en étant à l’écoute d’autres cultures ? Michel Legrand, lui-même, serait bien en peine pour y répondre. « Il m’arrive d’avoir des amis au téléphone qui me disent ‘tiens, j’ai entendu quelque chose à la radio et j’ai tout de suite reconnu ta patte’. Donc, je veux bien croire qu’il y ait un style, mais moi, je ne peux pas le discerner. Je fais d’ailleurs tout pour ne pas me répéter. Quand même, entre Les parapluies de Cherbourg et Yentl, c’est très différent, non ? »
À l’instar d’un Quincy Jones qui, en France, signera de nombreux arrangements pour les vedettes « Yéyé » des années 1960, Michel Legrand orientera sa carrière en devenant l’accompagnateur de grandes vedettes de la chanson française et américaine : Henri Salvador, Maurice Chevalier, Frank Sinatra, Ray Charles ou Liza Minnelli, sans oublier les ténors du jazz comme Louis Armstrong ou Miles Davis.
À force de côtoyer des chanteurs, l’envie lui prend d’essayer sa chance à son tour dans cette voie si difficile et parfois si injuste qu’est le chant. Pour Michel Legrand, ce sera un désir constant, même si le public ne retient pas vraiment cet aspect-là de sa carrière. L’artiste n’hésite pas à défendre sa position, quand des voix s’élèvent contre : “ Je me suis toujours fixé comme ligne de conduite de ne rien m’interdire musicalement.”
Brillant compositeur, volant de succès en succès, la Nouvelle Vague naissante voit dans ce créateur au style personnel, la possibilité d’étendre sa différence face à un cinéma plus conventionnel. À cette époque, le film musical de Jacques Demy, Les parapluies de Cherbourg , marque un tournant dans le domaine du film musical. « J’ai grandi avec les grandes comédies musicales américaines, confirme-t-il, et même si je suis arrivé après leur âge d’or, j’ai toujours su que j’en écrirais à mon tour ». L’aventure est tentante, mais le projet difficile. Réaliser un film construit uniquement sur des acteurs qui chantent la vie de tous les jours était un pari osé et très aventureux. Les comédies musicales américaines, omniprésentes, reflétaient un certain monopole, sur le fond comme sur la forme… elles paraissaient indétrônables !
Le projet Les parapluies de Cherbourg a bien failli ne jamais aboutir. Sans être mesquin, le film a été remarqué sans être remarquable. Les films suivants, comme Les demoiselles de Rochefort ou Peau d’âne , n’auront pas de descendance. Ce seront des cas isolés dans la longue tradition des films musicaux. « Ce sont des classiques dont tout le monde parle et pourtant personne ne veut en faire de nouveaux », regrette le compositeur.
MICHEL LEGRAND - THOMAS CROWN AFFAIR (1968)
Alors partir ailleurs, pourquoi pas ? Quand Hollywood et Barbra Streisand vous réclament, comment ne pas succomber ? « Barbra, je la connais depuis les années 60, c’est l’une des plus grandes voix du monde ». Ce sera le film Yentl, un gros succès pour la chanteuse comme pour Michel Legrand qui reçoit pour l’occasion un de ses multiples Oscar (le premier était pour le film L’affaire Thomas Crown et sa chanson “Les moulins de mon cœur“, chanson-phare du film)
Si son aventure « comédie musicale » appartient finalement au passé, Michel Legrand a retrouvé à travers la scène une nouvelle direction, qu’il prend en 1997, avec l’écriture d’un opéra bouffe, Passe-muraille, conçu avec Didier van Cauwelaert.
Aujourd’hui il se produit avec son fils, mais demain qui peut prévoir ce que ce monsieur de 78 printemps sortira de son chapeau ? Une nouvelle tournée en big band ou en piano solo ? Une nouvelle musique de films ? En entendant, je vous invite à découvrir ou redécouvrir les nombreux trésors enregistrés par ce fabuleux artiste.
Par Elian Jougla (Cadence Info - 01-2011)
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