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ROCK, POP, FOLK, ÉLECTRO...

LES CHANSONS ET MUSIQUES DES ANNÉES 2000 : POP, R&B, ÉLECTRO

La décennie des années 2000 est surtout marquée par le renouveau de la pop music. Cette esthétique musicale, parfaitement hybride, est inconsciemment tournée vers le passé. Rien ne se perd et tout se transforme…


LES STARS DE LA « POP »

Au début des années 2000, alors que les boys et les girls band se meurent à petit feu, laissant derrière eux des fans avides de tubes clés en main, un nom se détache : Britney Spears. La petite collégienne avec ses nattes débarque sur les écrans, un brin sexy avec sa mini-jupe, capable de parler à l’ado de 14 ans comme à son papa. La vedette écoulera près de 100 millions d’albums en 10 ans. C’est la star qui fascine des millions de fans à travers la planète. Britney Spears, c’est une marque, un symbole, une icône pop qui incarne à elle seule l’éclectisme et la richesse artistique de ces années-là. À l’instar de Madonna, la petite chérie de l’Amérique deviendra rapidement la nouvelle égérie de nombreuses jeunes-filles et incarnera à bon compte le rôle de sex-symbol de la pop.

Mais si Britney Spears dévoile ses charmes et son professionnalisme via quelques clips interposés, d’autres artistes tout aussi inspirés vont émergés et insufflés une nouvelle ère dans la pop en quittant les boys bands.

En 1996, Robin Williams sera l’un des premiers à s’échapper pour se lancer dans une carrière solo. Le chanteur déchaîne les passions, se montre désinvolte, bad boy et anticonformiste, et ça plait ! Son physique est avantageux et il en a conscience.

Cinq ans plus tard, c’est au tour de Justin Timberlake de se lancer dans l’aventure en solo. Il sait tout faire ou presque : chanter, danser, scatter, rapper, faire de la beatbox… C’est surtout un bosseur, et grâce à cela, il gravit les échelons pour rapidement s’imposer comme une référence. Son sens du rythme fera école au même titre que Michael Jackson, dont il usurpera, au passage, quelques chansons-tubes qui lui étaient destinées.

Autre star : Beyoncé. Malgré les nombreux succès, la chanteuse finit par abandonner ses deux copines des Destiny’s Child pour, à son tour, faire cavaler seul en enjoignant son style et sa pertinence. La voix, la danse, la gestuelle, tout concorde parfaitement pour un marketing savamment étudié. C’est une « performeuse » hors pair qui a démontré qu’une fille pouvait artistiquement être à l’égal d’un garçon, libérée sur scène et réservée hors de plateaux. Les célébrités sont unanimes à son sujet, de Stevie Wonder : « Elle sait tout faire, mais avec classe ! », à Madonna : « C’est tellement plus qu’une simple pop star ! ». Aux États-Unis, elle fait partie du patrimoine national. Riche, adulée, populaire, son succès ne doit rien au hasard. Sa simplicité, son rapport au public idéalisent le rêve américain.

Le succès engendré par Beyoncé sert de fil conducteur à d’autres jeunes chanteuses. L’époque est celle de la provocation contrôlée, des déhanchements et des tenues aguicheuses. L’époque est au flux d’images ininterrompues et d’infos tous azimuts. Cette surabondance de sons et de clichés brouille les pistes d’un mouvement musical pourtant fort, au demeurant. Alors, pour se faire remarquer, tous les moyens sont bons, même les plus racoleurs !

En 2001, une certaine Shakira va ébranler la planète pop en faisant rimer jean moulant et longs cheveux blonds. Pour arriver et pour donner du corps à ses chorégraphies, il lui faut tout donner, dénuder un peu le haut, un peu le bas... Finalement, la musique devient accessoire, elle passe au second plan et ne laisse que peu de traces dans l’inconscient collectif. Avec Shakira, c’est un retour en arrière qui s’amorce. Son image reflète l’idéal féminin de l’homme « moderne » du 21e siècle, un brin macho.

Dans une posture différente, Rihanna s’adapte aux situations artistiques et musicales qui se présentent : passant du reggae à la pop comme à une homosexualité affichée dans certains de ses clips. Un service mercantile basé sur les fantasmes et qui flatte l’ego de jeunes femmes consentantes. La surenchère de l’image est assujettie à celle de l’extrême. Pour durer, il faut sans cesse occuper le terrain médiatique.

Finalement, un des points en commun à Beyoncé, Shakira, Rihanna ou Lady Gaga est d’avoir progressivement ôté leurs vêtements pour se retrouver en petite culotte. Le marketing d’alors dicte ses règles. Il existe des lignes qu’il ne faut pas franchir. Tout est une question d’équilibre. Il faut provoquer sans vraiment choquer. Ce n’est pas l’attentat à la pudeur qui est recherché, mais celui d’une femme-objet qui accepte et participe pleinement, avec conscience, à sa destinée.

En 2005, Internet viendra enrichir cette collection de jeunes femmes pulpeuses, telle Lily Allen, une toute jeune anglaise qui impose son style lolita avec une efficacité redoutable, tandis que de l’autre côté de l’Atlantique apparaît la version faussement ingénue d'une autre lolita incarnée par Katy Perry.


JAZZ-POP ET MUSIQUE NOSTALGIQUE

Norah Jones

Heureusement, tous les artistes « pop » ne se sont pas engouffrés dans cette brèche surmédiatisée. Un autre courant faisant appel à des influences jazz se développe, et fait émerger des artistes comme Norah Jones, Michael Bublé ou Jamie Cullum.

Quand Norah Jones sort le disque Come Away With Me en 2002, la jeune femme trouve un style et accède tout de suite à la notoriété. Sa musique, sans être vraiment jazz, arrive à toucher un public très large, comme en témoigne les 20 millions de disques qu’elle vendra pour ce premier album. La suite de sa carrière est parsemée de "Grammy Awards" et de disques qui reflètent ses goûts éclectiques : blues, folk, country…

De son côté, le pianiste anglais Jamie Cullum est un amoureux de Ray Charles. Il fait sensation quand paraît son troisième album Twentysomething (2003). Jusqu’alors assez méconnu du grand public, Cullum va avoir la capacité de démontrer que le jazz peut être aussi une musique fun, sous réserves de l’accompagner de quelques lignes de rock ou de la relever par d'insolentes phrases hip-hop. Quant au canadien Michael Bublé, il crée lui aussi un engouement tout aussi considérable avec plus de 20 millions de disques vendus à travers la planète.

Ces trois artistes ont en commun de surfer sur la vague nostalgie, mais ils ne sont pas les seuls. Amy Winehouse ou Adèle ont, elles aussi, des références marquées pour la musique des sixties, le rhythm and blues et la soul.

Un constat s’impose : Jones, Cullum, Bublé, Winehouse et Adèle sont tous jeunes, mais ils regardent tous dans le rétroviseur ! Certes, une telle décision est une bonne façon de se rassurer plutôt que d’avoir à se lancer dans une carrière où tout est à construire et à inventer. Ce retour vers des styles musicaux des années 60 et 70 n’est en fait qu’une sorte de recyclage s’appuyant sur des moyens techniques plus performants. De toute évidence, un tel choix ne peut qu’affaiblir la part de créativité.

Les années 2000 sont celles de l’arrivée massive d’Internet, d’une communication sans frontières. Tout est à portée d’un clic de souris. Seulement voilà, le désir créatif est devenu trop passif pour être dans du neuf. Il est absorbé et préfère dès lors se reposer sur du passé. C’est plus sûr et tellement plus facile et réconfortant. Aucun style de musique ne semble vouloir y échapper. Contrairement à la musique des années 60/70, celle des années 2000 n’est pas vraiment aiguillée par une violence exacerbée ou par des messages politiques déstabilisants. À cela, elle préfère être d’une grande vitalité, séduisante en prenant soin de capturer ici ou là quelques rythmes et mélodies du passé. Le discours est de qualité, mais malheureusement formaté par le son et le feeling des décennies passées.

LE RÉVEIL DE LA CHANSON FRANÇAISE

En France, les comédies musicales et la téléréalité sont les deux rendez-vous auquel le public hexagonal répond présent.

Véritable machine à tubes, les comédies musicales permettent à de nouveaux artistes de se distinguer. En 1998, Notre-Dame de Paris, est le point de départ de cette éclosion de chanteurs et chanteuses. Les Dix commandements (2000) confirmera. Hélène Ségara, Emmanuel Moire, Garou ou encore Christophe Maé deviennent les artistes incontournables des plateaux de télévision. Ces divertissements « tout en un » sont chaleureusement applaudis par un public français qui découvre tardivement le spectacle scénique des comédies musicales. Malheureusement, après Le Roi Soleil (2005), les échecs consécutifs d’autres productions (Ali Baba, Cindy…) briseront la volonté d’aller de l’avant et de poursuivre.

L’autre tendance des années 2000 est belle et bien la télé-réalité. "À la recherche de la nouvelle star" ou "Star Academy" deviennent les émissions vedettes des soirées télévisées en primetime. En quelques mois, des chanteurs ou chanteuses encore inconnus obtiennent plus de regards admiratifs que n’importe quelle grande vedette confirmée. C’est cette magie de l’instantané, ces télécrochets d’un nouveau genre, qui ont enfoncé le clou du renouveau de la chanson française.

Lors des passages télévisés, l’affectif du public compte énormément. Les chanteurs sont avant tout des personnages de télé-réalité. Ils se racontent et s’exposent médiatiquement, avec ou sans pudeur. De ces histoires magiques s’échapperont des noms comme Amel Bent, Nolwenn Leroy, Olivia Ruiz ou Christophe Willem.

Cette magie-là donne au public un pouvoir suprême, celui de faire ou de défaire les stars de demain, avec le risque de voir passer à la trappe d’autres artistes non dépourvus de talents. Les maisons de disques concèdent et, finalement, participe au mouvement ; le principal pour elles n’est-il pas d’avoir un maximum de profits ? Tant pis pour ceux qui auront connu la richesse, la gloire des plateaux, la scène durant quelques mois, quelques années et qui tomberont aux oubliettes avant même de s’en apercevoir. La télé-réalité est d’une grande violence psychologique. C’est une fosse aux lions qui laisse toujours derrière elle beaucoup de blessures.


LA « FRENCH TOUCH »

C’est certainement dans le domaine de la musique électronique que les années 2000 se distinguent. Au départ marginalisé, parce qu’étant davantage une musique d’écoute qu’une musique pour danser, la musique électronique est aujourd’hui définitivement sortie de son univers underground dans lequel elle avait fini par échouer.

L’évolution technologique du matériel musical est passée par là, mais pas seulement. À ceci s’ajoute le partage des fichiers sur Internet, la libre circulation de la culture, des idées. Grâce à ses réseaux et à l’échange de courriels, Internet permet la fabrication de musiques à distance sans se rencontrer. Ce qui était boudé sur les ondes devient à présent comme une obligation pour n’importe quel programmateur de radio. Même les stades s’approprient la musique électronique. Elle est partout !

Le vrai départ s’effectue au milieu des années 90, quand naît la « French Touch » avec en tête de liste Air, The Supermen Lovers, St Germain, et surtout Daft Punk, un duo plus qu’atypique qui a su très bien exporter et exploiter leur musique robotique sur toute la planète. Dans leur sillon naîtra toute une flopée d’artistes français qui revendiqueront, eux aussi, leur appartenance à cette « French Touch ». Pour autant, n’oublions pas de citer un autre manipulateur de boutons : Moby. Multi-instrumentiste, son sens mélodique et son utilisation rationnelle des samples lui ont permis d’asseoir sa carrière. Sa musique sera diffusée sur tous types de support : pub, radio, télé, cinéma.

Aujourd’hui, la musique électronique n’est plus un genre à part. Elle fait partie de notre quotidien, autant que la variété française, au point d’être capturée par des chanteurs et chanteuses, telle Mylène Farmer ou Jennifer. Artistes pop ou hip-hop viennent aussi frapper à la porte de l’électro : Madonna, Black Eyed Peas, Jay Z…

La musique électro des années 2000, c’est aussi la confirmation des DJ Stars français comme David Ghetta, Etienne de Crécy, Bob Sinclar, DJ SPoke ou Laurent Garnier dont les mix se classent souvent aux meilleures places des ventes.

Nonobstant cette abondance, la musique électronique n’est pas sans effet. Victimisée par son succès planétaire, elle révèle indirectement une uniformisation des goûts. Face à un monde « chronophage » où la rapidité de l’information est maître à bord, où chaque nouvelle idée est absorbée, engloutie sans avoir eu le temps d’être jugé à sa juste valeur, il n’y a, en vérité, plus de place pour une véritable contre-culture solide et argumentée ; le risque encouru par une telle consommation exponentielle étant de faire à peu près toujours la même chose.


L’ASCENSION DU HIP-HOP ET DU R & B

Fort heureusement, le hip-hop est là. On peut dire sans trop s’avancer qu’il agit comme une contre-culture aux phénomènes précédemment cités. Contestataire, le hip-hop fait la fierté du rap. La misère publique entraîne sa fureur de raconter sa vie par musique interposée. Mais le rap américain des débuts n’est plus, et dans les années 2000, il devient plus consensuel. Victime de son succès, il attire le flair de quelques producteurs (Dr. Dre, Jay Z…) qui voient dans son ascension une bonne façon de faire tinter le tiroir-caisse.

Aux USA, le hip-hop se classe second derrière la musique country. Et si Eminem marche si bien au début des années 2000, c’est que ses albums The Marshall Mathers Lp et The Eminem Show contiennent autant de titres accrocheurs aux univers sombres que de punchlines assassines. Eminem n’est que le miroir d’une société qui cherche une issue : provocateur et sale gosse, il fascine autant qu’il crée la répulsion.

Au cours des années 2000, une fusion s’opère entre le rap et le R&B. Dans les faits, les producteurs américains investissent sur des inconnus qu’ils transforment à moindre coût en véritables mets ! Ces artistes-là ne sont pas sur le devant de la scène pour construire des carrières à long terme, mais pour offrir à leur producteur un maximum de rentabilité.

En France, l’ambiance est tout autre. Un circuit parallèle s’est développé avec des rappeurs qui ont démarré en faisant des « mixtapes », en concoctant de savants mélanges de musique électronique et de musique traditionnelle, en se créant une notoriété dans leur quartier ou dans leur région, avant de vendre des disques par milliers, de remplir des Zéniths et de recevoir des prix. Peu importe le style ou le discours, peu importe les punchlines, les rappeurs français se lâchent et le jeune public les suit. Ils s’appellent "113", "Mafia K’1 Fry", La Fouine ou Booba et sont devenus les rois des charts.

À l’écart, mais pas totalement, une autre musique dont les textes sont assimilés à de la poésie voit le jour, le slam, dont Abd al Malik et Grand Corps Malade deviennent les porte-parole populaires.

Le R&B, le hip-hop et toutes les autres musiques urbaines, ont fait tomber bien des barrières. À présent, ces styles musicaux ne sont plus l’apanage des spécialistes ou d’aficionados.


LA MUSIQUE DES ANNÉES 2000, AMEN !

La première décennie de ce siècle place en exergue la pluralité de styles musicaux. Chacun se confond et cohabite dans les charts en harmonie. La musique des années 2000 est celle de la dématérialisation. On la consomme comme n’importe quel produit via les lecteurs portables. Une nouvelle génération spontanée a pris le pouvoir : les shuffles.

Nul doute à avoir, vous aurez certainement compris à la lecture de ce long article, que de produire du neuf avec du vieux est surtout une question de rentabilité assumée. Alors, quel avenir pour les artistes ? Sûrement plus celui du phantasme. Devrons-nous dire adieu à tout jamais à de nouveaux Elvis ou Beatles ? Dois-je m’en réjouir ou dois-je le regretter ? Certes, cette décennie est marquée par de l’éclectisme, par des élans créatifs, et dans laquelle a pris place une forme de résistance, mais de nombreuses interrogations restent encore en suspens. Les musiques des années 2000 y répondent en partie, mais ne laissent probablement pas deviner ce que seront les tendances musicales de demain. "La patience est la mère des vertus" dit-on... Alors attendons encore un peu !

Par Elian Jougla (Cadence Info - 10/2016)


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