Depuis que le cinéma est devenu un spectacle populaire, la musique et l’image ont dû apprendre à cohabiter. Structure ouverte, le septième art concentre en un seul film plusieurs dimensions artistiques. Dès lors, la musique a pris part à son aventure en devenant l’accompagnateur indispensable.
À la fin des années 20, quand le cinéma parlant voit le jour, les quelques schémas improvisés du muet sont vites oubliés. Des frasques symphoniques s’installent et se mêlent aux fonds sonores et aux dialogues. La responsabilité de la partition repose alors sur les épaules de compositeurs dits « sérieux » mais encore inexpérimentés, des autodidactes qui voient dans le rythme des images une nouvelle manière de s’inspirer du réel.
Rapidement, le problème de l’insertion d’une musique de films, de son dosage à l’écran se traduisent par d’âpres discussions. Pour des raisons parfois économiques, la stricte exigence de l’écriture musicale passe souvent en second plan. La musique, qui continue pourtant d’être nécessaire, agit comme une intruse qu’il faut domestiquer...
Avec le parlant, l’ère du cinéma théâtral devient vite révolue. Le cinématographe laisse place à d’autres variations plus subtiles. Au fil des années, la mise en scène devient plus intrusive et plus opportuniste. Sa froide mécanique agit en trompe-l’œil. La musique s’arc-boute en tentant de suivre le rythme des images imposées par des montages toujours plus savants.
Pionniers ou gérants d’une certaine tradition, des compositeurs français d'avant-guerre ont contribué à l’émancipation d’une musique de films stylisée « à la française », épousant que très rarement dans leurs écritures les schémas stéréotypés des musiques hollywoodiennes. Ces compositeurs furent les premiers à dialoguer avec les réalisateurs et les producteurs en s’exposant à la complexité relationnelle du monde du cinéma. Certains devinrent leur alter-ego, d’autres, en revanche, ne furent que des intermédiaires devant faire face à d’aveugles exigences. Le résultat de leur travail traduise l’immense difficulté de ce « mariage de raison » qui allie l’art de l’image à celui du son, entre enjeu économique et valeur artistique.
Tous ces compositeurs, aujourd'hui disparus, ne voient leur nom apparaître qu’un bref instant au moment du générique, à l'occasion d'une rediffusion télévisée ou quand une réédition DVD est mise sur le marché. Il était important de leur rendre hommage, en les présentant à travers de courts portraits.
Par Elian Jougla (Cadence Info - 02/2014)