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CHANSON

GÉRARD PALAPRAT, LA CHANSON "FAIS-MOI UN SIGNE" ET SA « JÉSUS-CHRISTMANIA ». HISTOIRE

Si les plus jeunes d'entre vous apprécient peut-être Julien Doré, connaissez-vous Gérard Palaprat ? Son physique, avec ses longs cheveux blonds et sa barbe fournie, pourrait être celui d'un Jésus-Christ superstar au cinéma. L'histoire qui suit évoque d'ailleurs le personnage biblique. Au début des années 1970, Palaprat se manifestera, tel un prophète, en interprétant des chansons parlant de la foi, de marcher les pieds nus ou de gravir la montagne. Fais-moi un signe et Pour la fin du monde sont deux merveilleux exemples... à méditer, bien sûr !


DEUX CHANSONS RELEVANT DE LA « JÉSUS-CHRISTMANIA »

Pour la fin du monde et Fais-moi un signe représentent les deux succès éclatants de ce chanteur apparu avec la nostalgie de la période hippie. Tout est réuni : le look vestimentaire avec les pattes d'eph, l'inclinaison musicale tendance folk, et des textes mystiques désignant le sauveur (Jésus-Christ sans le nommer).

L'écriture de ses deux chansons est due à Jean-Pierre Lang, un auteur encore débutant, mais à la plume suffisamment habile pour faire vibrer dans le cœur du public, des idées toutes simples conduisant à partager du bonheur et de l'espoir. Patrick Lemaître est le compositeur. Cet acteur, également guitariste à ses heures, a eu dans les années 1970 une carrière dans la chanson, notamment avec quelques titres interprétés par Johnny Hallyday, Céline Dion, Nicole Rieu ou encore Carlos et Philippe Lavil.

1970. L'époque est révélatrice. Alors que les idées hippies ont démontré la limite de leur portée, la décennie s'ouvre avec des points de vue encore proches, mais qu'elle a reconfiguré. Venue des États-Unis, la « Jésus-Christmania » traverse l'Atlantique et conquiert la France avec de louables intentions.

Quelques temps plus tard s'affiche sur les murs Hair, une comédie musicale directement inspirée par la vie communautaire Hippie et dont Julien Clerc, le premier, assurera le rôle principal de Claude dans la version française. En 1971, Gérard Lenorman lui succède. De son côté, Palaprat se rerouve au théâtre de la Porte-Saint-Martin pour interpréter un second rôle, celui de Woof. Si ce bref passage dans la troupe de Hair relève d'une expérience artistique supplémentaire à ajouter dans un pressbook, elle servira aussi de porte d'entrée pour passer à autre chose.


"FAIS-MOI UN SIGNE", PLAGIAT D'UNE CHANSON DE GEORGE HARRISSON ?

Le chanteur envisage d'enregistrer un premier album, et quoi de plus naturel que de s'en remettre à un ami, de surcroît talentueux, pour composer les musiques. Palaprat et Lemaître sont deux amis d'enfance qui ont grandi à l'école du spectacle. Pour les textes, Jean-Pierre Lang est déjà sur les rangs, et des réunions s'organisent pour mettre sur pied la direction à prendre.

Sans dévoiler ce qui n'est un secret pour personne, la musique qui habille la chanson Fais-moi un signe possède un lien de parenté évident avec My sweet lord de George Harrisson (elle-même inspirée par He's So fine du groupe The Chiffons). Dès l'introduction, les accords joués rythmiquement avec la 12 cordes et le développement mélodique (jusqu'à l'utilisation des chœurs proches du gospel dans le final) témoignent d'un procédé d'arrangement quasi-identique.

À cette époque, le tube proposé par Harrisson passait souvent à la radio et, toujours d'après son mode de fabrication, l'idée de s'en inspirer proviendrait d'un pari lancé par Palaprat, suggérant à son ami compositeur d'en faire autant que l'ex-Beatles. Sans évoquer le plagiat qui repose sur des données bien précises, il est délicat de ne pas établir le rapprochement. Toutefois, derrière la « gentille musique », ce sont principalement les paroles qui retiennent l'attention :

« Je ne te demande rien / Rien qu'un seul geste de la main / Alors fais-moi un signe / Montre-moi le chemin / Dis-moi seulement lève-toi / Et j'irai où tu me diras / Les pieds nus dans la neige / Fais-moi un signe. » Puis, un peu plus loin : « Écris ton nom noir sur blanc / De ce bout de charbon brûlant / Alors fais-moi un signe / Je suis prêt maintenant / Ça restera entre nous / Mais je n'aurai plus jamais froid / Les pieds nus dans la neige. »

Avec le recul, le texte prête à sourire. Gérard Palaprat, qu'avait-il à marcher les pieds nus dans la neige ? Plaisanterie à part, pour le reste, que la chanson ait été ou non "pompée" d'une autre, cela reste finalement secondaire, car une fois lancée, Fais-moi un signe devient un succès éclatant, tout comme Pour la fin du monde sortie après quelques semaines d'attente :

« Pour la fin du monde, prends ta valise / Et va là-haut sur la montagne, on t'attend / Mets dans ta valise une simple chemise / Pour la fin du monde, pas de vêtements. » Puis, après avoir s'être dépouillé de tout le superflu : la boîte-à-outil, l'avion, le fusil, etc. Palaprat conclut avec ce dernier couplet : « Viens donc il est temps / Viens voir enfin l'autre côté / De la montagne, hé, ho / Viens voir enfin l'autre côté / On va repartir à zéro. »


GÉRARD PALAPRAT : "FAIS-MOI UN SIGNE"
Le chanteur alors âgé de 21 ans, remporte avec Fais-moi un signe son premier succès avant d'être l'un des lauréats de la "Rose d'or d'Antibes" (émission "Samedi-Variétés" du 13 novembre 1971).

DES TEXTES DE PRÉDICATEUR EN ACCORD AVEC L'ÉPOQUE

À la lecture de ces textes, vous serez peut-être étonné d'apprendre que ces deux chansons témoins d'une carrière artistique pour le moins orientée, lui ont valu de recevoir des centaines de lettres d'admiratrices (et d'admirateurs) pour avoir su transmettre des messages d'espoir et d'amour.

Rien de bien surprenant à cela et pourtant tellement différent de ce que l'on connaît de nos jours avec les réseaux sociaux ! Au tournant des années 1970, l'époque est peuplée d'incertitudes. L'homme a marché sur la Lune, mais les gens se posent toujours la question : « Où va le monde ? » L'Église catholique est en proie à des courants de pensée qui s'accordent mal et l'écho d'une prochaine guerre mondiale n'est jamais absolument exclu.

Quand les lendemains sont sombres, les prophéties d'un sage sont censées apporter la lumière. Cependant, traduire cela en chansons est certes une piètre consolation, même si certaines sont nées pour témoigner des faits de société en cherchant les mots justes ou en prétendant traduire à cœur ouvert nos craintes dans l'avenir. Gérard Palaprat ne demeurera pas le seul à se sentir porté par de soudaines tentations de prêcheur. Ce serait trop vite oublier Johnny Hallyday qui, tout comme lui, osera interpréter sur un texte écrit par Philippe Labro, la chanson Jésus-Christ en 1970, une projection d'un Jésus-Christ devenu par la grâce de Dieu, un hippie : « S'il existe encore aujourd'hui / Il doit vivre aux États-Unis / Il doit jouer de la guitare / Et coucher sur les bancs des gares / Il doit fumer de la marijane / Avec un regard bleu qui plane / Jésus, Jésus-Christ / Jésus-Christ est un hippie. »

Fort heureusement, la plupart de ces chansons ne sont que le résultat d'observation d'un mode de vie d'une minorité, des enfants de Dieu qui n'entrevoient pour meilleure solution que de s'en remettre à l'amour et au bien-être de leurs prochains ! Cette folie passagère sur le Christ n'échappera pas non plus à Jean Yanne qui l'utilisera pour alimenter le scénario de sa comédie satirique dans Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil.


GÉRARD PALAPRAT : "POUR LA FIN DU MONDE"

À PROPOS DE GÉRARD PALAPRAT

Quelques mots sur cet artiste pluridisciplinaire élevé à l’École du spectacle.

© AZ (discogs.com) - Pochette du 45 tours "Écoute la source du bonheur".

Tour à tour violoniste, danseur, chanteur au Petit conservatoire de la chanson de Mireille et artiste dramatique dans des rôles mineurs pour la télévision, Gérard Palaprat optera pour la chanson quand il participera à la comédie musicale Les Fantastiks de Tom Jones. Il confirmera ce choix en entrant dans la comédie musicale Hair.

Sa première récompense sera d'obtenir la "Rose d'or d'Antibes" avec Fais-moi un signe. Ce titre lancera sa carrière discographique suivie, dans un laps de temps très bref, par d'autres chansons ciblant des sujets dans lesquels la foi, le bonheur et la délivrance font cause commune : Pour la fin du monde, Écoute la source du bonheur, Lady, ce n'est qu'un rêve, Le Bateau de cristal, Svasti, etc.

Puis, les thèmes centraux, comme éculés pour avoir presque tout dit, perdront de leur intensité auprès du public qui, progressivement, boudera ses chansons. En 1980, sous la direction de Francis Morane, l'artiste persévérera avec l'opéra-rock Moïse de Michel Quereuil et Guy Alcalay. Puis, il disparaîtra des radars pour réapparaître en 2010 dans des spectacles réunissant les artistes des années 70, 80, 90 ("Hit-Parade" et "Âge tendre et Têtes de bois"). Sept ans plus tard, Gérard Palaprat devait décéder d'un cancer de la gorge.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 12/2022)


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