GILBERT MONTAGNÉ, LA CHANSON 'THE FOOL' ET SON HISTOIRE

L'histoire raconte et impose son déroulement. Quelques jours avant son départ pour la Floride, il va dire au revoir à sa grand-mère qui habite dans l’Allier. Lors d’une promenade, le sifflement d’un oiseau retient son attention. Les quelques notes qu’il entend lui soufflent une idée mélodique qu’il s’empresse de retenir. Ce chant, on le retrouve chanté dans le premier vers de The Fool : « No, don’t let me play the fool ». Grâce à cette accroche, Gilbert trouve suffisamment d’inspiration pour achever la mélodie...

QUELQUES NOTES ENREGISTRÉES SUR MAGNÉTOPHONE

En mars 1971, après une absence qui aura duré près d’une année, le chanteur revient à Paris pour le fun, le temps de revoir quelques amis musiciens, dont André Georget. La France n’est qu’une escale et il compte bien retourner aux States où il a parfaitement intégré le mode de vie des Américains. C’est lors de ce séjour et grâce à l’intermédiaire de son ami André, qu’il rencontre Nicole Damy, alors éditrice musicale d’Hugues Aufray.

Visiblement intéressé par ce que joue Montagné, l’éditrice lui propose de faire un nouvel essai et de chanter à nouveau. Refusant la proposition, Nicole Damy insiste et trouve les bons mots. Gilbert finit par accepter et lui présente quelques mélodies qu’il a composées. L’éditrice les enregistre à tout hasard sur son magnétophone...

Une semaine plus tard et deux jours avant de reprendre l’avion pour la Floride, le téléphone sonne. Étrangement, à l’autre bout du fil, c'est Bernard Saint-Paul, le directeur artistique de Salvatore Adamo. Celui-ci l’informe que le chanteur belge a écouté l’enregistrement de la bande de Nicole Damy et que, visiblement séduit, il souhaite lui proposer un contrat d’enregistrement, mais Gilbert refuse la proposition.

La veille du départ, nouveau coup de fil de Bernard Saint-Paul qui insiste. Adamo veut le rencontrer à tout prix. À la fois agacé et contrarié, le chanteur ne cesse alors d’expliquer qu’il part pour les États-Unis. Or, le lendemain, l’incroyable a lieu : Gilbert ne se réveille pas à temps et rate son avion. Le voici à présent, contraint et forcé, d’attendre plusieurs jours avant de pouvoir se rendre en Floride. Gilbert profite de ce contretemps pour prendre rendez-vous avec Salvatore…

GILBERT MONTAGNÉ : 'THE FOOL' (1971 - version originale studio)

‘THE FOOL’, LE FLAIR DE SALVATORE ADAMO

Lors de leur rencontre, l’auteur de Inch’allah ne cesse de louer le talent de son invité. Gilbert est ému et finit par lui donner son numéro téléphonique de Floride. Là-bas, loin de la France, il n’espère pas grand-chose... Sauf que c’était sans compter sur l'altruisme, la générosité et l’expérience professionnelle de Salvatore Adamo.

Quelques jours à peine après son arrivée sur le sol américain, Gilbert reçoit un télégramme l’informant qu'à Londres le studio Trident vient d’être retenu et que l’encadrement technique d’Elton John l’attend ainsi que les choristes de Joe Cocker !

Accompagné de sa fiancée, Gilbert se rend à Londres et enregistre en 48 heures les deux titres du 45 tours dont The Fool. Comme une traînée de poudre, la chanson s’impose sur les ondes en quelques jours et devient un hit mondial, au point d’atteindre la première place dans 12 pays. Qui l’aurait cru ? Salvatore Adamo certainement ! La vie de Gilbert Montagné prend alors un nouveau départ et le chanteur aveugle se retrouve exposé sous les feux des médias du jour au lendemain.

Julien Clerc l’invite en première partie de son spectacle à l’Olympia. Puis ce sera l’enregistrement de l’album The Fool suivi de deux autres : De la musique en 1973 et Y faut qu’ça swing en 1976. Mais écrasé par trop d'obligations, de contraintes et manquant de maturité, Gilbert décide de repartir aux États-Unis puis au Canada pour se produire dans des clubs afin de retrouver de l’anonymat.

GILBERT MONTAGNÉ : 'THE FOOL' (2020 - version piano/voix)

UN NOUVEAU DÉPART DE CARRIÈRE EN FRANCE

L’occasion de se produire en France ne se représentera qu'en 1979, quand il acceptera d’accompagner Johnny Hallyday à son spectacle au Pavillon de Paris. Toutefois, côté carrière, le succès rencontré par la chanson The Fool, aussi écrasante que révélatrice, ne trouvera son égal, du moins en France qu’à partir de l’album Liberté enregistré en 1984, cosigné avec Didier Barbelivien, et dans lequel on peut attendre deux succès chantés en français et au style enjoué et rythmé : On va s’aimer et Les sunlights des tropiques.

Avec le recul, The Fool apparaît comme une chanson à part dans la carrière de Gilbert Montagné. Elle avait démontré une certaine autorité créatrice avant d’assister à un enlisement progressif de l’artiste dans les méandres d’une « variété de grande consommation », critiquable peut-être, mais surtout regrettable si l’on se place du côté talentueux que le grand public avait pressenti à juste titre en écoutant la superbe mélodie imprégnée de gospel et de blues.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 01/2021)

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